De la poste italienne.

Ah, la poste italienne.

Tu arrives, il y a trois guichets d'ouverts, deux personnes devant toi: tu te dis "ça va bien, ça va être rapide".

Malheureuse!

Tu peux poireauter 35 minutes et voir 17 personnes te passer devant, même en arrivant dans un bureau de poste vide.

Le fonctionnement de la poste italienne est un mystère et, pour un helvétique, une source infinie d’incompréhension et de fascination.

Il faut savoir qu'il y a environ deux ans et demi, quand j'étais fraîche et innocemment débarquée en Italie, j'ai décidé une fois d'aller "vite à la poste avant d'aller travailler."

Alors bon, ça n'ouvre pas à 8.00 ou 8.30.

Non, ça ouvre à 8.35 et ça ferme à 19.05 ou, en été, à 13.35. Et pas les trois semaines d’août ou toute l’Italie ou presque est en vacances, non: les trois mois de vacances scolaires. Mais je digresse.

Alors, oui, c'est vrai, pourquoi commencer aux heures rondes ou demi rondes? C'est très bien aussi, 8.35.

Bon, bref, ce jour-là, je me pointe à 8.33, bien prête à être servie rapidement. Et bien, à 8.33, tu vois les employés de poste... arriver. La porte s'ouvre au public vers 8.42, par là, tu peux entrer et prendre ton ticket, mais rien n'est prêt et donc en fait on sert les premiers clients vers 8.53.

Aller "vite à la poste avant d'aller travailler."

Mouah. Ha. Ha.

Enfin, j'ai appris que "ça ouvre à 8.35" ne voulait pas dire "ça ouvre à 8.35".

Donc, oui, comment peut-on arriver dans une poste ouverte avec trois guichets ouverts et deux autres clients avant soi et attendre 35 minutes? Même après presque trois ans d'utilisation forcée desdits offices de poste et une certaine perte d'innocence?

Comme à peu près partout maintenant, quand on arrive à la poste, on prend un numéro qui, dans un système correctement géré, permet de servir les gens par ordre d'arrivée, en distribuant les clients aux guichets de façon relativement uniforme et non plus en queue de Poisson - comprendront ceux qui comprendront.

Sauf que non!

Bon, d'abord, une théorie. Je pense que pour être employé de la poste italienne, il faut passer une série de tests, notamment de rapidité et de réflexes afin d’être surs que tu ne sois pas du genre rapide et alerte: cela risquerait de troubler l'ordre au travail. Tu laisses tomber la balle? Très bien, test suivant. Tu appuies trop tard sur le bouton quand ça bipe? Oooh, tu as du potentiel. Tu ne sais pas faire deux choses à la fois? Tu t'intégreras parfaitement dans l'équipe.

Du coup, ça vole pas très très haut et chaque employé est formé à UNE tâche.Tu apprends à faire un payement OU à envoyer une lettre en recommandé. Mais pas les deux.

Enfin, c'est ma théorie.

Donc quand tu prends ton ticket, ce ne sont pas de simples séquences numériques, non, il y a la série A001, A002, etc., mais aussi la B, la, E, la P... Une chiée de séries, quoi. Et chaque guichet s'occupe d'une ou deux séries. Deux types d'opérations, c'est pour les vifs. Mais si tu as un P et que le guichet avec la personne qui sait gérer les requêtes "P" est occupé par un cas difficile, on perd absolument tout le bénéfice de gestion du temps d'attente....

BREF.

Donc si tu veux aller chercher ton recommandé pour une menace de suspension de fourniture de gaz pour une facture payée trois semaines plus tôt, tu ne peux le faire qu'au guichet ou se trouve l'employé qui a appris à trouver une lettre dans un tiroir de lettres classées par ordre alphabétique. En s'y reprenant à deux fois: la première fois, elle s'est arrêtée sur le mètre qui la sépare dudit tiroir pour discuter avec quelqu'un et a oublié ce qu'elle devait faire et une deuxième fois parce qu'elle ne me souvenait pas de mon nom tellement exotique. Dite lettre recommandée qui a mis 16 jours pour arriver du chef-lieu, situé à 23 km.

Ah pis une fois que ta lettre a été péniblement sortie de son tiroir, il y a toute la paperasse à signer. L'employé imprime un formulaire... qu'il remplit ensuite très péniblement. A la main. Assez illisiblement, il faut bien le dire.

Bonjour le suivi des recommandés et l'utilisation optimale de l'informatique.

En 2014.

Mais le truc le plus hallucinant, c'est de les regarder "travailler". Ils sont un nombre impressionnant, là-dedans. Ceux assis à un guichet ouvert, qui regardent leur écran avec un air concentré et font un clic de temps en temps, ceux qui sont dans l'office derrière qui semblent marcher en rond en tenant des papiers en main, ceux qui semblent avoir pour rôle de rester debout derrière l'employé qui travaille pour lui faire la conversation... Je vous dis: FASCINANT.

Et ne parlons pas du site web et de ses multiples pages qui aboutissent nulle part et de ton courrier qui se retrouve systématiquement dans boite du voisin, qui a un nom avec environ ZERO lettre en commun avec le tien.

Des génies.

(Merci, ça va mieux, je retourne bosser.)