mardi 23 mars 2010

Striptease (Part 7 = le porte-monnaie)

Et finalement, le meilleur mauvais souvenir.

Des mauvais souvenirs, j'en ai tout plein. Des bien mauvais dont il est impossible d'extraire un moins pire. Je vais donc raconter une petite histoire administrative soupoudrée (saupoudrée?) d'éléments personnels.

J'avais 20 ou 21 ans, j'avais quitté Genève pour m'installer à Lausanne et y suivre mes études. Boursière, j'avais obtenu un appartement subventionné de 36m2 pour 300 balles, franchement une aubaine, même si les toilettes avaient une légère tendance à refouler.

Je reçois un courrier me demandant de me présenter à la ville afin de justifier mon droit à ce logement. Je n'avais pas obtenu de bourse, cette année-là, non pas parce que ma situation financière s'était améliorée, mais parce que quand tu es genevois et que tes parents ne sont pas assez responsables pour remplir leur déclaration à temps bien que tu aies lourdement insisté qu'il en allait de ta survie et des 14'000.- qui doivent te durer une année entière, ils se retrouvent taxés d'office et toi, privé de bourse. Oui, la bourse de l'étudiant est sucrée si les parents ne sont pas foutus de mettre 3 chiffres dans une colonne et de renvoyer ça avant le 15 mars. Mais je ne me faisais aucun soucis, la lettre me signifiant que je devrais me démerder sans cet argent bien que j'y ai droit avait, à mes yeux, une plus-value je-suis-dans-la-merde rapport à une simple bourse.

C'est donc toute confiante que je me pointe à l'administration de la ville avec ma lettre.

Alors quand la moustache de M.Fonctionnaire derrière son petit guichet m'a dit que je n'avais plus le droit à mon subventionné parce que je n'avais pas de bourse et que la condition pour avoir un subventionné quand on est étudiant est d'avoir une bourse, donc il allait me faire expulser j'ai vraiment vu ma vie défiler devant mes yeux. J'ai insisté que j'avais droit à une bourse mais que si je n'avais pas eu de bourse, c'est parce que ma mère avait été taxée d'office et donc ça voulait dire que j'étais assez franchement dans le besoin de cet appartement. Une discussion de sourds s'en est suivi pendant je pense bien 30 minutes. Mais j'y ai droit, c'est pas de ma faute. La règle est la règle, vous n'avez pas de bourse.

Et quand je croyais que ça ne pouvait pas être pire, c'est la moustache de M.Fonctionnaire remarque que j'ai un permis C et me demande si j'ai demandé l'autorisation de m'établir en Vaudoisie. Car le permis C est cantonal et on n'a pas le droit de s'établir où on veut en Suisse sans en demander l'autorisation. Je tombe des nues, je n'en avais aucune idée.

Et là, sa moustache me dit: Je vais vous faire expulser de votre appartement et du canton et vous n'avez qu'à retourner chez votre mère.

Ce type était en train de littéralement détruire ma nouvelle vie, je n'en croyais pas mes oreilles, retourner là-bas où je n'avais ni chambre, ni aucune envie de vivre alors que je n'avais rien fait de mal, que je me faisais punir pour son erreur à elle, que je m'étais battue pour arriver jusque là et qu'une moustache allait balayer tout cela d'un revers de formulaire.

Mais je suis en dernière phase de naturalisation, j'ai été convoquée pour prêter serment dans quelques semaines.

Vous avez un permis C, vous n'avez pas le droit de vous établir dans un autre canton sans en demander l'autorisation. Je vais vous faire expulser.

Ça faisait bien plus d'une heure que j'étais dans la petite cabine du guichet face à la moustache du M.Fonctionnaire qui ne voulait rien entendre d'autre que la règle malgré l'évidence de ma situation.

Et là, je me suis mise à pleurer. J'étais vraiment désespérée. Entre mes larmes, je lui répétais mes arguments, que j'étais la victime d'un système qui punit la mauvaise personne, qu'il allait me détruire s'il faisait ça.

Il m'a finalement demandé de régulariser ma situation auprès de la commune et m'a reconvoquée pour l'année d'après.

Après 1h30.

Un an plus tard, j'avais une bourse, un passeport rouge à croix blanche et je m'étais prise une putain d'année de merde dans la gueule.

Mais j'ai gardé mon appartement, ma nouvelle vie et tout cela n'était plus qu'un mauvais souvenir.

Maintenant, toi, lecteur, si la règle est la même et si tu es par hasard dans une situation similaire et que tu as reçu cette lettre te disant que tu n'as pas le droit à ta bourse par la faute de tes parents, appelle l'office des bourses, explique-leur. Je ne l'ai pas fait, parce que je ne savais pas qu'il y avait une solution, mais j'aurais dû: ils ne te laisseront pas sans argent. Tu auras un prêt sans intérêt remboursable sur des dizaines d'années et surtout, au lieu de traiter avec tes parents et de faire passer la thune par eux, ils traiteront avec toi directement. On ne file pas d'un coup 14'000.- à un gamin de 18 ans qui commence ses études de peur qu'il ne sache pas gérer son argent, mais s'il est manifeste que c'est toi le plus raisonnable de la famille, ils te laisseront gérer tes affaires.

Si je le sais, c'est parce que cette année sans bourse, je ne l'ai pas passée. Et que si tu redoubles une année... tu n'as pas le droit à ta bourse non plus. Cette fois-là, j'ai demandé, je ne voyais pas comment refaire cette année sans argent et on ne m'a pas laissée tomber. La dame qui s'occupait de mon dossier, de premier abord pas super chaleureuse, mais face à une situation pareille, elle s'est démenée, j'ai eu un prêt, une allocation en plus et quand j'ai réussi cette année haut la main, mon prêt a été converti en bourse. Pis en fait, c'est femme très très bien.

Et voilà, c'est fini. 

Maintenant, le chat, c'est qui veut. Désigne-toi volontaire si ça te dit!

5 commentaires:

  1. Ah oui, bien bien bien !
    ( Finalement, quand tu obtiens une bourse pour une seule année et qu'un con te pique ta carte bancaire et en retire un tiers en 2 jours, tu as du bol. Comme quoi, les emmerdes, c'est vraiment relatif !)
    Splendide highlight, merveilleux bouquet final, merci la fille (et elle prétend qu'elle n'a pas de signe particulier... ;-))

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  2. Bah dis donc... quelle histoire bien merdique. Je retiens de tout ça qu'il faut pleurer pour être entendue. :o)

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  3. C'est fou ces moments charnières où toute une vie pourrait basculer ! Bien contente que tout cela ait basculé du côté "liberté"...

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  4. Ed > Qué comment bouquet final? Cette note vs le reste?

    karaz > mais qui finit bien, heureusement. et oui, les larmes restent peut-être le seul moyen de faire sortir l'humanité d'un fonctionnaire dont le travail est de contrôler des gens 8h par jour...

    fun > ouais, les destins peuvent tenir à des choses bien dérisoires...

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  5. Bêêê oui, la note 7/7 de la série strip-teaseuse, quoi.:-)

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